Drogues: le Sénat fait de la résistance

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Le ton monte entre le Sénat et le gouvernement sur le dossier des drogues. Ce mardi, Etienne Apaire, président de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie (Mildt), disait tout le mal qu’il pensaitde la proposition de loi des sénateurs radicaux finalement adoptée par la Haute Assemblée ce mercredi malgré l’opposition du ministre de la Justice, Pascal Clément, pour qui ce texte « paraît en contradiction avec un message de fermeté ».
Il s’agit en substance d’infliger une simple amende de troisième classe (68 euros selon l’AFP) aux consommateurs de stupéfiants arrêtés pour la première fois, contre, en théorie, une peine de un an de prison et 3750 euros d’amende. En cas de récidive, La simple infraction redeviendrait un délit passible des peines actuellement prévues. En 2009, 137 000 personnes ont été arrêtées pour simple usage de stupéfiants, dont 1% a fini en prison.
Une proposition assez semblable à ce qu’avait souhaité Nicolas Sarkozy lorsqu’il était au ministère de l’Intérieur… et avait pour conseiller un jeune magistrat du nom d’Etienne Apaire. L’amende prévue était toutefois de catégorie supérieure, ne s’appliquait qu’au cannabis et pouvait entraîner le passage par le tribunal de police. Quoi qu’il en soit, huit ans après, le même Etienne Apaire déclare à propos de la contraventionnalisation: « Cette proposition ne me paraît pas de nature à améliorer les choses ».  Et tacle au passage la cacophonie à gauche à propos des drogues: «M. Vaillant qui est pour la légalisation, des Verts qui sont pour la dépénalisation, M. Valls qui est contre…»
Car Etienne Apaire, magistrat, sait lui dans quelle direction il souhaite aller: plus de répression. Ce qui n’est pas du goût de la nouvelle Chambre Haute. Les Sénateurs ont ainsi rejeté l’adoption du budget de la Mildt. Selon les mots de la raporteure Laurence Cohen ,qui dénonce le « tournant répressif opéré par la Mildt depuis 2007″:
« Se focaliser sur l’application de la loi, c’est-à-dire sur la répression du trafic et de la consommation, qui constitue le cœur de la politique actuelle en matière de lutte contre la drogue et la toxicomanie, se révèle peu efficace. »
Pour la sénatrice Nicole Borvo Cohen-Seat:
« Aujourd’hui, 35 % de ses crédits vont à la police, 25 % à la gendarmerie, 20 % à la justice, 10 % aux douanes et seulement 10 % aux actions de prévention. C’est peu quand on sait qu’une politique répressive ou une pénalisation des usages ne parvient pas à faire reculer les addictions. »
Des chiffres démentis par Patrick Ollier, ministre des relations avec le Parlement, qui parle lui de 18,8 millions pour la prévention et 2,1 million pour la répression:
« Pour 2012, le budget prévisionnel de la mission reprend exactement la même répartition entre prévention et répression du trafic. Vous ne pouvez donc pas dire que l’on privilégie l’une au détriment de l’autre ! »
Une double offensive du Sénat donc, qui ne devrait toutefois pas empêcher le gouvernement de dormir, le dernier mot revenant à l’Assemblée nationale.
Arnaud Aubron

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