Californie: les cliniques de marijuana médicale ont 45 jours pour fermer

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Est-ce la défaite électorale aux mid-terms de novembre et l’approche de la prochaine campagne présidentielle? Ou la peur de voir se mettre en place aux Etats-Unis une dépénalisation de fait, comme en Californie? Quoi qu’il en soit, le soutien affiché par Barack Obama au cannabis thérapeutique au lendemain de son élection semble avoir fait long feu.

Comme il y a une dizaine de jours contre 26 dispensaires du Montana, les raids de la police fédérale (la DEA) ont en effet repris de plus belle depuis quelques mois, comme au temps de Bush. Des raids pourtant menés dans certains des quinze Etats américains à avoir légalisé le cannabis thérapeutique. Dans d’autres Etats, comme dans le Colorado, ce sont les services fiscaux qui commencent à s’intéresser aux dispensaires, dans ce qui ressemble de plus en plus à une opération concertée.

Surtout, les procureurs généraux de l’Etat de Washington, du Montana, de l’Arizona, du Colorado, du Rhode Island et du Vermont ont récemment adressé des courriers aux différents acteurs de la marijuana médicale, y compris des employés des Etats fédérés ou des commerces agréés par ces Etats, pour les mettre en garde contre d’éventuelles poursuites fédérales à leur encontre, et ce alors qu’ils respectent les législations en vigueur dans leur Etat. Mais pas toujours les lois fédérales. Une de ces lettres, citée par AP, prévient ainsi:

« Nous restons déterminés à faire vigoureusement appliquer les lois fédérales envers les individus et les organisations qui participent illégalement à la production et à la distribution de marijuana, même si ces activités sont permises par les lois locales. »

Dans l’Etat de Washington, la gouverneure démocrate Christine Gregoire, présidente de l’Association des gouverneurs, qui s’apprêtait à ratifier une ambitieuse loi autorisant l’ouverture de dispensaires de marijuana, a finalement changé d’avis et mis son véto au texte approuvé par les représentants en prétextant d’un éventuel conflit avec les lois fédérales. Un revirement justifié par un courrier du ministère de la Justice fédéral allant dans ce sens le mois dernier. Dans le New Jersey, le gouverneur attend désormais une clarification fédérale avant d’avancer sur ce dossier.

2009, Obama promet de fermer les yeux

Pendant et après sa campagne présidentielle, Barack Obama s’était pourtant engagé à respecter les législations locales en la matière et de mettre fin aux raids fédéraux contre les dispensaires de marijuana menés sans relâche par l’administration Bush. Il s’agissait alors selon lui d’une utilisation rationelle de l’argent des contribuables. Une promesse réitérée après sa nomination en février 2009 par l’attorney general (sorte de super-procureur fédéral) Eric Holden.

Pour la plupart des observateurs, cela signifie la fin du bras de fer entre les Etats qui autorisent le commerce du cannabis thérapeutique et Washington. En octobre 2009, un mémo du procureur général adjoint vient clarifier la position de la justice fédérale sur cette question:

« Les ressources fédérales ne doivent pas être utilisées en priorité dans vos Etats pour les individus qui respectent clairement et sans ambiguïtés les lois locales en matière de marijuana médicale. [...] Les poursuites envers les entreprises qui vendent et font illégalement des profits grâce au commerce de la marijuana restent une priorité du Département de la Justice. »

Pour Washington, les dispensaires et fermes de culture ne sont donc toujours pas autorisées, quelles que soient les lois locales. Et les malades doivent se fournir par leurs propres moyens en cannabis. Mais pour les associations de défense des malades ou de lutte contre la prohibition des drogues, ce mémo autorise, au moins tacitement, tout ce que les lois locales autorisent. Producteurs et distributeurs d’herbe se sont donc multipliés dans les Etats l’autorisant, persuadés que le gouvernement fédéral regarderait ailleurs. Ce qui ne semble plus être le cas.

Dans une lettre adressée le 9 mai à l’attorney general Eric Holder, l’ACLU (Association des droits civiques) demande à l’administration Obama de clarifier sa position sur le sujet:

« Nous souhaitons vous exprimer notre inquiétude concernant des lettres de menace récentes adressées par différents procureurs généraux à travers le pays évoquant de potentielles poursuites fédérales envers des personnes obéissant aux lois de leur Etat sur la marijuana médicale. »

De son côté, le gouvernement fédéral nie tout changement. Pour la porte-parole du Département de la Justice, interrogée il y a quinze jours par le New York Times:

« Il n’y a pas de changement de politique: il s’agit juste de la réaffirmation de la ligne fixée en 2009 par le procureur général adjoint [...] qui dit que la distribution reste un délit fédéral. »

Il semble en fait que les autorités fédérales sont effrayées par l’expansion rapide d’un commerce qui a échappé au contrôle des gouverneurs dans certains Etats. Et pèserait déjà près de 2 milliards de dollars. Une industrie florissante qui pourrait à court terme engendrer une dépénalisation de fait du cannabis aux Etats-Unis, comme c’est déjà quasiment le cas en Californie. Si cette évolution réjouit les antiprohibitionnistes, elle inquiète également certains malades, qui ont l’impression de servir de prétexte à des revendications plus politiques et craignent aujourd’hui de faire les frais d’un retour de bâton.

Arnaud Aubron

Source:LesInrocks

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